Pour s’attirer les grâces du groupe écologiste européen, Ursula von der Leyen a promu Philippe Lamberts (Ecolo) au poste de conseiller vert de la présidente. Pas très rassurant quand on connaît les convictions décroissantes de l’ex-eurodéputé belge
Fallait-il tenter de préserver le Green Deal en participant à la nouvelle coalition, ou bien rester en dehors, dans le camp de l’opposition ? Finalement, ce 27 novembre, le Groupe des Verts/Alliance libre européenne (ALE) a fait le choix d’approuver le casting de la Commission von der Leyen II. Non sans d’âpres discussions en interne, qui ont détaché une mince majorité de membres prêts à s’embarquer dans cette nouvelle majorité. Posture qui résulte de la débâcle des écologistes en juin dernier et du fait que la gauche européenne n’a plus la possibilité de constituer une majorité. Comme le rapporte le site Contexte, les délégations écologistes allemande, néerlandaise, danoise et balte ont estimé qu’en effet, « c’est en s’arrimant à la majorité qu’ils pourront en corriger la trajectoire ».
Ce positionnement n’est cependant pas celui des écologistes Français, « sceptiques depuis le début », mais qui ne comptent plus que cinq élus, ce qui n’a finalement pas empêché Les Verts de répondre positivement à l’appel d’Ursula von der Leyen pour obtenir le soutien à la nouvelle Commission. Pour elle, « le groupe des Verts/ALE fait partie de la majorité pro-européenne, la plate-forme avec laquelle je veux continuer à travailler au Parlement européen ». Et de rappeler au passage que « la coopération avec le groupe des Verts/ALE a été constructive sous le mandat [qui se termine] ». « Ils ont joué un rôle important en garantissant une majorité pro-européenne lors de ma réélection à la présidence de la Commission, en juillet dernier », a-t-elle insisté. Est-ce donc pour fournir un gage de sa sincérité écologiste que, l’avant-veille du vote sensible sur sa nouvelle équipe, Ursula von der Leyen a nommé l’ex-eurodéputé belge Philippe Lamberts (Ecolo) au poste de « conseiller à la transition vers une économie climatiquement neutre » auprès de la présidente de la Commission européenne ?
Philippe Lamberts est un habitué des arcanes de Bruxelles
Avec à son actif trois mandats de député européen et dix ans de co-présidence du groupe écologiste (2014-2024), Philippe Lamberts connaît parfaitement les arcanes de la politique bruxelloise. Et même s’il s’est souvent montré critique envers la Commission, il a néanmoins prêté son soutien au Pacte vert européen dès 2019.
Philippe Lamberts considère Ursula von der Leyen comme étant « la plus grande présidente de la Commission européenne depuis Jacques Delors » et aussi « la plus verte de tous les temps »
Non content d’avoir déclaré, en 2023, qu’il considérait Ursula von der Leyen comme « la plus grande présidente de la Commission européenne depuis Jacques Delors », il confiait à Politico, en février 2024, qu’elle était aussi « la plus verte de tous les temps ». Avant d’ajouter que « si vous voulez que le Green Deal 2.0 ait une chance de décoller, c’est avec elle qu’il faut le faire ». Selon Philippe Lamberts, le soutien des écologistes était effectivement indispensable au risque de voir le Green Deal « rester inachevé car les objectifs ne seront pas atteints sans mesures supplémentaires, notamment une transformation radicale de l’agriculture pour qu’elle devienne un puits de carbone ».
Difficile de mesurer aujourd’hui le poids qu’aura ce nouveau conseiller de la présidente, d’autant plus que si l’homme a notamment fait sensation, en 2013, avec son texte législatif visant à plafonner les bonus élevés des banquiers – ce qui lui avait valu le surnom de « redoutable voleur de bonus » dans le Financial Times – , il est également connu pour son ambition démesurée, ses accès de colère fréquents et ses règlements de compte houleux au sein de son parti. Et selon certains membres de son propre camp, il serait « hyper rancunier, il pense qu’il a toujours raison et les autres, toujours tort ».
Dans un communiqué de la Commission, on peut lire qu’« assisté d’une petite équipe d’experts », Philippe Lamberts « contribuera à la réalisation de l’objectif 2030 en s’efforçant de sensibiliser les différentes parties prenantes, en jetant des ponts entre les entreprises et la société civile, les acteurs politiques, les administrations ainsi que les groupes vulnérables. Il prendra en compte les tendances et les innovations de la société et des entreprises dans l’élaboration des politiques européennes ». Et de préciser qu’il « travaillera en étroite collaboration avec la présidente de la Commission et son cabinet, ainsi qu’avec les membres du collège et les directions générales concernés ».
Bref, de multiples occasions qui lui permettront de tenter d’instiller ses idées décroissantes. En septembre 2018, alors que Jean-Claude Juncker était encore le président de la Commission, il avait déjà organisé une conférence sur le thème de la « Post-croissance », terme qu’il préfère à celui de « décroissance », qui, selon lui, « nuit à sa cause ». Laquelle a été suivie, en mai 2023, d’une grand-messe de trois jours au Parlement européen intitulée « Au-delà de la croissance », ouverte par Ursula von der Leyen et Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen. Un événement qui avait pour objectif de « mettre en pratique l’idée d’une Union européenne post-croissance adaptée à l’avenir, qui combine lbien-être social et un développement économique viable avec le respect des limites planétaires ».
« Le choix des titres des conférences du Parlement européen (“Post-croissance” en 2018 et “Au- delà de la croissance” en 2023) montre que tout le monde n’est pas à l’aise avec le mot “D” », concède volontiers l’économiste décroissant français Timothée Parrique, qui précise que, même sans utiliser le terme de décroissance, le concept reste inchangé, soit « une réduction démocratiquement planifiée de la production et de la consommation pour alléger les empreintes écologiques ». Une idée à laquelle souscrit sans réserve Philippe Lamberts, qui affirmait déjà en 2021, lors des débats sur la stratégie « De la ferme à la fourchette » : « Notre agriculture est un destructeur de biodiversité et une source de carbone ; à un moment, il faudra accepter de produire moins. » Au moins, c’est clair !