Alors que se profile à l’horizon la pire crise énergétique que la France a connue depuis 1973 et 1979, on assiste dans l’opinion à un virage à 180° à propos de l’utilité de l’énergie nucléaire. De plateaux de télé en plateaux de radio, les responsables politiques défilent pour dénoncer le sabordage qu’a subi, depuis plusieurs décennies, ce joyau de notre industrie. Seuls quelques écolos en perte de crédibilité campent encore sur leur position devenue très inconfortable, lâchés de surcroît, d’après un sondage récent paru dans le JJD, par 53 % de leurs sympathisants, désormais en faveur de la poursuite du nucléaire.
Or, pour qui connaît tant soit peu le secteur agricole, il existe un incontestable parallèle entre ce que la filière nucléaire a essuyé et ce que connaît aujourd’hui l’agriculture française. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : de second exportatrice mondiale qu’elle était, derrière les États-Unis, au début des années 1990, la France est passée au sixième rang, supplantée successivement par les Pays-Bas et l’Allemagne, puis plus récemment, par la Chine et le Brésil. Nos parts de marché ont ainsi fondu de 11 % en 1990 à moins de 5 % en 2021.
Ainsi, au fil des ans, la France, qui était le « grenier de l’Europe », est devenue déficitaire avec l’Union européenne en matière alimentaire. « Hors vins, elle est même déficitaire avec le monde entier », note un rapport sur la compétitivité de la ferme France, rédigé par les sénateurs Duplomb, Louault et Mérillou, qui a été rendu public le 28 septembre. Ses auteurs constatent que 71 % de notre consommation de fruits est importée, tout comme 28 % de notre consommation de légumes. Et c’est pire pour ce qui concerne l’élevage : 56 % de la viande ovine consommée en France est importée, 22 % de la consommation de viande bovine, 45 % de notre consommation de poulet, 26 % de notre consommation de porc et 30 % de notre consommation de produits laitiers. À cela s’ajoutent les 63 % de protéines que nous consommons, issues d’oléagineux importés à destination des élevages, et entre 70 et 80 % de nos besoins de miel.
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Comment en est-on arrivé là ? La réponse est simple : en minimisant l’importance stratégique de l’agriculture, non seulement l’exécutif français n’a pas su accompagner sa nécessaire modernisation, notamment dans les filières d’élevage, comme l’ont pourtant fait nos voisins européens (Danemark, Espagne, Allemagne), mais, bien pire, en laissant le champ libre à la propagande écologiste décroissante, il a paralysé son développement. Exactement ce qu’a subi la filière nucléaire !
La relance de nos filières agricoles ne pourra donc se concrétiser qu’à condition que l’exécutif intègre réellement leur importance stratégique, en cessant de se faire dicter ses choix par les adeptes de l’écologie politique.